Par   Nicolas Goinard et Charlotte Follana

La grogne monte contre la privatisation du Groupe Aéroports de Paris (ADP), étudiée actuellement par l’Etat qui possède 50,6 % des parts de cette société administrant Orly, Roissy-Charles-de-Gaulle et Le Bourget. Le gouvernement envisage d’en vendre une partie, voire la totalité. Dans le Val-de-Marne et dans l’Essonne, de nombreux élus ont déjà vivement réagi. Et ce soir, c’est la communauté d’agglomération du Val d’Yerres Val de Seine (CAVYVS) qui votera une motion. Mais que redoutent-ils vraiment ? 

La remise en cause du couvre-feu nocturne

« L’exploitation privée des aéroports, dont celui d’Orly, ira vers une tendance à l’assouplissement des conditions d’exploitation », avance Christophe Joseph (MRC), opposant au sein du CAVYVS. Le risque ? La remise en cause du couvre-feu. En raison de l’implantation d’Orly au cœur d’une zone très urbanisée, les avions n’ont pas le droit de décoller ou d’atterrir entre 23 h 30 et 6 heures, sauf dérogation.

La fin des 250 000 mouvements annuels

« A Orly, il pourrait y avoir une remise en cause du plafonnement à 250 000 mouvements annuels », prévient Daniel Bertone, secrétaire général de la CGT-ADP. Pour Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne), la privatisation d’ADP serait « une catastrophe ». La ville demande que le statut protecteur des riverains de l’aéroport soit « gravé dans le marbre de la loi », afin que rien ni personne ne puisse remettre en cause les directives en faveur de la population, notamment celle concernant la limitation annuelle du trafic aérien fixée par un arrêté de 1994. De nombreux acteurs économiques du transport aérien soulignent régulièrement que la modernisation de la flotte et la baisse du niveau de bruit rendent obsolète ce plafonnement.

Une extension de la plate-forme

La crainte est aussi du côté de l’extension. Car les réserves foncières appartenant à ADP sont nombreuses autour d’Orly, avec un million de mètres carrés constructibles. Le gouvernement ne souhaiterait pas céder l’exploitation définitive d’Orly et Roissy, mais plutôt la limiter à une période de 70 à 90 ans. L’Etat pourrait garder un droit de veto pour l’utilisation du foncier.

Des menaces sur l’emploi

« Privatiser ADP constituerait également une très grave menace pour l’emploi et pour l’aéronautique, s’inquiète Christian Favier, président (PCF) du conseil départemental du Val-de-Marne. Ceci, alors même que 175 000 emplois directs ou indirects dépendent du secteur aérien dans notre département. »

Sept départements envisagent d’entrer au capital

Si le processus de privatisation est mené à son terme, les élus d’Ile-de-France demandent à être associés à la réflexion et au capital. Les sept départements concernés (Seine-et-Marne, Yvelines, Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne et Val-d’Oise) ont voté des motions et envisagent d’entrer au capital. « Nous estimons que les collectivités doivent être représentées. Un courrier a été adressé au Premier ministre, appuie François Durovray, président (LR) du CAVYVS et du conseil départemental de l’Essonne. A partir du moment où c’est le privé qui gère, il y aura une recherche de rentabilité. »

L’état se veut rassurant

Si ADP refuse de s’exprimer sur ce dossier, le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a assuré mercredi que l’Etat conserverait le contrôle de ses actifs stratégiques malgré la privatisation d’ADP, promettant des mécanismes de « régulation ».

Le Parisien 9/4/2018